L'offensive approchant, des Peyrollais pouvant loger ailleurs partirent, certains avec leur bétail. Une trentaine1 gagna « la Grande Baume », une grotte discrète [B] où la Résistance apporta des couvertures et que des paysans ravitaillèrent. D'autres vinrent se réfugier au « camp indochinois2 » [C], ou près du château de Trempasse [D] réquisitionné par des officiers allemands avant leur envoi à Monte-Cassino…
600 Américains du 1er Bataillon motorisé du 180ème Régiment de la 45ème Division d'Infanterie débarquèrent sur des plages près de Sainte-Maxime sans trop d'aléas. Renforcés de pièces d'artillerie, de 12 chars Sherman et de 4 chars M·103 « tueurs de chars » (ci-dessus le 18 août dans le Var), ils rallièrent Peyrolles via Jouques après un bivouac à l'est de Rians le 19. La plaine à l'ouest menait à l'étape suivante, Meyrargues à 5 km…
La 11ème Panzer Division fut redoutable pendant sa mission destinée à freiner les Alliés dans la vallée du Rhône après leur débarquement réussi en Provence. Elle facilita ainsi le repli du maximum de personnel civil allemand et de troupes vers les Vosges.
Une vingtaine de ses engins4 vint cantonner à Meyrargues peu avant le 20. Les tilleuls du cimetière l'isolaient des vols d'observation [E]…
Défendue par une mitrailleuse postée sur une colline [F], la colonie scolaire5·6 logeait déjà l'Occupant [G]. La fabrique de papier5 délabrée voisine allait servir de quartier général à ses officiers.
Une pièce d'artillerie gardait chaque issue du tunnel de Réclavier [H] d'où un canon sur rails K·5 d'une portée de 62 km sortait parfois pour un exercice de tirs inertes7 en mer vers Marseille et à 52 km, La Ciotat. Il partit le 20 mais à 25 km, un viaduc saboté à midi par les Allemands quittant Aix-en-Provence dicta son abandon à la gare. Un témoin neutralisa le minage de ses obus de 255 kg, sauvant la ville.
Le Génie U.S. bricolera un tablier avec son plateau de 30 m et gagnera 20 jours sur le retour du trafic, le 29.
LE COMBAT AMÉRICAIN ENTRE PEYROLLES ET MEYRARGUES LE DIMANCHE 208·9
- 9 h 10 : une faible résistance, vite vaincue, attend l'avant-garde au carrefour à l'est de Peyrolles [I].
- 9 h 58 : les Américains investissent les rues quasi vides sous des tirs erratiques d'artillerie lourde et légère. Les Allemands fuient en incendiant leur local à munitions. Des habitants éteignent le feu avant un désastre !
- 10 h 40 : des drapeaux ornent les rues. La troupe repartie à l'ouest subit à 1 km le feu de l'artillerie [J], de chars, d'armes antichar, de mortiers et d'armes légères. Un panzer prend la route en enfilade [K]. Un tir antichar incendie un Sherman. L'infanterie fuit la plaine pour les pentes boisées au sud d'un petit canal…
Des projectiles chassent vers l'esplanade du château de Trempasse la messe improvisée dans une pinède par un prêtre et des réfugiés. L'autel revêtu de draps blancs est fait de caisses servant à récolter les tomates… Des Meyrarguais se réfugient dans les reliefs au sud et à la chapelle Notre-Mère-de-Dieu [L]. - 14 h 21 : l'ennemi attaque épaulé par ses chars. Des véhicules américains et des fermes sont en feu…
- 15 h 30 : une lutte féroce9 brise l'action devant Peyrolles. Vers le château de Trempasse, un habitant trace un trajet par les collines [M] sur la carte d'État-Major de 3 soldats en jeep devant détruire l'artillerie.
- 18 h 00 : l'infanterie s'abritant derrière les blindés, la contre-attaque américaine10 évolue du côté nord hors de la route [N]. Deux rangs de platanes l'isolent ainsi de l'artillerie11 mais le bois projeté par les impacts est craint. Des bazookas frappent 2 autres chars Sherman… Les chars M·10 s'enrobent de fumée artificielle…
- 18 h 58 : la route est sécurisée. Un bulldozer y déblaie branches et épaves. 5 platanes ébranlés sont sciés.
- 20 h 47 : le tiers des troupes est harcelé vers la colonie scolaire, le reste atteint l'orée sud de Meyrargues.
- 21 h 46 : 2 panzers et des soldats sont assaillis dans les rues… Un habitant guide le char [O] devant liquider les 7 canons cachés derrière une colline dont l'observateur règle les tirs sur une colline bien placée.
LE BILAN
· le rapport du 645ème Bataillon de M·10 « tueurs de chars » n'indique pas de dommages dans cette bataille.
· le rapport du 191ème Régiment de chars note 3 blindés atteints, 1 officier et 2 soldats blessés, 3 prisonniers.
· le rapport du 180ème Régiment d'Infanterie omet ses pertes, importantes selon des témoins. Le cimetière américain à Draguignan abrite six corps non rapatriés par les familles.
· la composition de la force allemande, son armement, sa bataille, ses pertes, sont inconnus…
L'artillerie amie tua trois civils vers la ferme Saint-Joseph [P]. Des collines brûlèrent des jours. Des fermes, des granges et des hangars disparurent de la plaine. Les villages furent peu atteints mais les gens s'y terrèrent, des Allemands isolés tuant pour fuir vêtus en civil. Les cimetières reçurent provisoirement les morts des deux bords. Les épaves furent retirées en 1945. Aucun mémorial n'évoque ce jour oublié…
1 une patrouille de reconnaissance lui parla tôt le 20. Une autre observait Meyrargues depuis le château [A] le 19 au crépuscule.
2 des vietnamiens forcés à venir en France d'octobre 1939 à mai 1940, exploités, méprisés, rudoyés… Seuls des tuberculeux y étaient en 1944. 3 ils tireront 150 obus le 20. 4 dont de puissants « Panther » de 45 tonnes.5 un canal récent la recouvre.
6 transit de 30 juifs soustraits à la Gestapo et sauvés par un réseau (1943). 7 un lest simule l'explosif.8 écrits et récits locaux.
9 rapports déclassifiés. 10 un avion renseigne l'artillerie.11 échec des 3 soldats; tués par [F] entendant venir leur jeep ?