Format PDF LA MINE DE GAUDE
 Claude MESNIL   2011
L'ouvrage « Voyage en Provence » de l'abbé Papon signale en 1780 une extraction artisanale de lignite1 située dans le vallon de Gaude, au voisinage nord-est de la ville de Manosque.

L'activité de cette mine décolla à partir de 1831. Elle eut le meilleur rendement du pays car ses veines orientées verticalement évitaient le travail dans la position allongée requise ailleurs. La production en 1965, juste avant l'arrêt du site faute de marchés et du manque de modernisation de ses installations, était de 30 tonnes journalières. Vingt kilomètres de galeries furent creusés.

LE LIGNITE

C'est le charbon fossile engendré par 50 millions d'années de décomposition végétale. Il se situe à la transition entre la tourbe et la houille dont il a les 2/3 de la valeur calorifique. Sa teneur en eau de 50 % renchérit le coût de son transport, imposant son utilisation au voisinage du lieu d'extraction. Un long séchage peut ramener ce taux à 11 %, limite de l'auto-inflammation.

Le lignite brûle avec une flamme fuligineuse2 en dégageant une odeur désagréable due au soufre qu'il contient. Sa fumée crée des pluies acides nuisibles pour la nature, parfois à des milliers de kilomètres de la cheminée émettrice. Le radon radioactif de ses veines souterraines est une des causes du cancer du poumon du mineur.

L'Allemagne est en 2011 le premier producteur mondial de lignite (16,5 %) dont 89 % sont brûlés pour fournir le quart de l'électricité du pays, générant ainsi une forte pollution atmosphérique. Les autres grands exploitants sont la Chine (12,7 %), la Russie (7,3 %), la Turquie (6,5 %), les États-Unis (6,3 %) et l'Australie (6,1 %).

LA MINE DE GAUDE

À l'origine, une galerie de 360 marches descendait à 100 m de profondeur, niveau de l'extraction. Jusqu'à 20 chevaux y tiraient les wagonnets. Ils remontaient à l'air libre en dehors des heures de travail. Le minerai était trié sur place, puis il était envoyé à la gare de Manosque en charrette d'où il partait vers les clients.

La traction fut électrifiée en 1928. Deux convois de 150 draisines alimentaient un carreau en traversant les 3,5 km du tunnel spécialement percé sous le Mont d'Or3 (ci-dessous). Puis des wagonnets basculants convoyaient le lignite concassé et trié vers la gare de Manosque où ils étaient retournés pour remplir les wagons-benne de trains en attente à leur verticale.

Les principaux débouchés de la mine furent d'abord les fabricants locaux de chaux et de plâtre, deux activités très gourmandes en combustible. S'ajoutèrent plus tard la centrale thermoélectrique de Sainte-Tulle installée à 10 km au sud ainsi que l'usine chimique de Saint-Auban située à 33 km au nord.

Le salaire des mineurs suivait leur avancée dans les veines. Les archives en indiquent 30 actifs pendant l'année 1891, et 150 au pic de l'exploitation. Elles ne pointent ni inondations, ni poussier, ni grisou, mais le feu l'est une vingtaine de fois. Rien n'indique des effondrements de galeries pourtant inéluctables…

Des recoins discrets de la mine cachèrent des réfractaires au S.T.O.4 et le matériel de sabotage des Résistants manosquais pendant le dernier conflit mondial. Un ascenseur fut rajouté en 1956 alors que l'extraction s'opérait vers 310 m de profondeur.

L'arrêt de la mine de Gaude clôtura définitivement l'exploitation du bassin minier de Haute-Provence. Le terril fut arasé pour édifier un lycée. Le matériau récupéré servit à réhabiliter l'emplacement d'une décharge publique et au remblai d'un stade. Le reliquat sert actuellement de piste de motocross…

Une draisine d'origine présentée dans son environnement d'époque orne un rond-point près de la gare ferroviaire de Manosque (en bas à gauche).

AUJOURD'HUI

Le poste de contrôle de Géométhane5 recouvre l'accès à l'ancien ascenseur. Une piste de randonnée balisée longe sur un côté le grillage clôturant l'ouest de ce site et sur l'autre deux témoignages de l'activité minière antérieure. Ils furent localisés de mémoire en 2003 par des mineurs retraités, puis déterrés. Des grilles les condamnent à présent par sécurité :

  1. l'entrée principale aussi nommée « la descenderie » (ci-dessous au centre) menait aux galeries d'extraction. Hommes et chevaux l'utilisaient.
  2. l'entrée vers une autre galerie (ci-dessous à droite). Elle fut utilisée pour entreposer divers matériels après son abandon.

Il faut ajouter à ces deux vestiges les ruines de la poudrerie pas très loin, au pied de la colline de Pimayon…

LA D.R.l.R.E.

La « Direction Régionale de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement » est responsable du plan national de prévention des risques miniers.

Pour la mine de Gaude, elle vérifie régulièrement les effluves émises par une ancienne bouche d'aération proche du col de la Mort d'Imbert à environ 1 km des entrées du site et analyse l'eau s'écoulant à la sortie fermée par une grille du tunnel traversant le Mont d'Or.

Ce ruisselet part ensuite arroser des jardins privés près de la gare de Manosque, puis il rejoint le canal E.D.F. de La Brillanne et se jette dans la Durance au niveau de Cadarache…


1 du latin lignum : bois          2 chargée de suie.          3 altération de « auro », vent.4 le « Service du Travail Obligatoire »
   envoya en Allemagne des centaines de milliers de français servir son effort de guerre (industrie, agriculture, transport, etc…).
5 réserve stratégique de 3,5 millions de m³ de méthane stockés dans 9 cavités souterraines lessivées dans une  épaisse couche   de sel gemme sous la forêt de Pélissier.