L'évêque Jean ll de Sisteron fonda ce prieuré vers 960 sur un étroit plateau bordé d'abrupts. Il domine de 350 m la Durance, où il avait son port, et la Voie Domitienne1 dont le pont classé du llème siècle sur le Buès est encore actif.
Il fut donné à l’Ordre de Cluny et prospéra jusqu'à la fin du XlVème siècle, début de turpitudes et d'une piètre gestion. Le site fut pillé et ses archives brûlées lors des guerres de religion. Après un réveil au XVllème siècle, le prieuré subit un lent déclin marqué par l'édification ruineuse d'un moulin à huile en 17802, l'abolition de l'Ordre de Cluny en 1787, la sécularisation du lieu en 1788, sa vente comme bien national en 1791, et son saccage en 1794.
Le comte de Malijai céda le site en l'état aux bénédictins de Sainte-Madeleine de Marseille en 1891. En 12 ans, le réfectoire et l’église furent déblayés, des peintures murales et les mosaïques repérées, le cloître relevé.
Un moine et un convers3 de l’abbaye de Hautecombe en Savoie furent affectés au prieuré en 1922. Il fut classé monument historique en 1946. Une route desservit le plateau en 1953 facilitant incidemment les vols de pièces d'art lourdes.
LES GRANDES RESTAURATIONS
Les absides et le chevet de l'église furent rénovés de 1957 à 1973 avec des pierres jonchant le sol ou taillées dans la falaise du plateau (ci-dessous avant les rénovations). André Malraux4 suivit personnellement l'avance de ce chantier. Vingt années de fouilles débutèrent en 1974. L'intégralité du plateau fut classé « monument historique » en 1988.
Les bénédictins de Hautecombe vinrent s'y installer en 1987. Ils organisèrent entre 1991 et 2000 des sessions et des séminaires destinés à encourager les entreprises à réfléchir à leur éthique et au sens de leurs décisions professionnelles…
L'ÉGLISE NOTRE-DAME
La construction de cet édifice suit les canons de l'architecture romane provençale. Sa nef compte trois travées voûtées en berceau brisé. Des fouilles des années 1960 établirent qu'elle fut bâtie dans la première moitié du Xllème siècle sur les bases de deux églises préromanes. Les quelques portions de mur ornées de fresques furent datées de la fin du Xllème siècle. Elles ont été classées.
Œuvre d'un moine dominicain coréen, des vitraux non figuratifs furent installés en 2006 afin de remplacer ceux ayant été détruits pendant la période révolutionnaire.
Le portail d'inspiration mozarabe fut remanié vers le XVllème siècle. Son linteau présente les douze apôtres. Son tympan porte le Christ en majesté bénissant de la main droite. Des tombes de moines taillées dans le rocher et un sarcophage voisinent.
LES MOSAÏQUES MÉDIÉVALES
Chef-d'œuvre de l'art roman, 72 m² de mosaïques aux motifs païens datés avec certitude de 1124 furent trouvés en 1898 et ré-enfouis pour garder le secret dans ce lieu ouvert à tous les vents.
Restaurés en atelier en 1976, ils furent remis en 1986 dans l'église rénovée par les Monuments Historiques. La chute de la coupole au XVlème siècle explique l'absence de dessin central.
Cette dalle, sans équivalent en France, évoque les tapis d'Orient tels que ceux qui se négociaient au Xllème siècle en Europe. Les réminiscences de motifs byzantins rappellent la place de la Provence dans l’Antiquité.
LES AUTRES BÂTIMENTS
La vie monacale s'articule aujourd'hui autour du cloître visible à travers une vitre depuis l'église : réfectoire, chapitre, communs, salle des moines, cellier creusé partiellement dans le rocher, four à pain, cuisine et à l'étage, dortoir.
Les 5 km des rayonnages de la bibliothèque logent 100 000 volumes dont des incunables5 et des manuscrits du Xllème siècle. Les jardins et des cimetières complètent le site (ci-dessous en 1890).
Le plateau est une étape des pèlerins parcourant le chemin de Saint Jacques de Compostelle.
1 voie romaine créée à partir de -118 entre Rome et l'Espagne via Apt, Sisteron, Peipin, Peyruis, Forcalquier, Mane, etc…
2 une carrière à l'accès balisé se trouve sur le plateau. Des encastrements et des meules en cours d'extraction y sont visibles.
3 entré adulte en religion, souvent illettré, il était principalement affecté aux tâches domestiques.
4 écrivain né en 1901, ministre de la culture de 1959 à 1969. Mort en 1976.5 datant des débuts de l'imprimerie, avant 1500.