Format PDF LES BORIES PROVENÇALES
 Claude MESNIL   2010
L'ORIGINE

Des abris ruraux en pierres sèches1 aux noms variés existent en dehors du Midi (Bourgogne, Champagne, Lyonnais, Franche-Comté, etc…) ainsi qu'en Europe, même non méditerranéenne (Royaume-Uni, Irlande, Suisse, Belgique, etc…). Les formes peuvent différer malgré de grandes analogies.

De nombreuses bories provençales résultent d'un édit royal de Louis XV daté de 1766 facilitant la mise en valeur et le défrichement de nouvelles terres. Leur déclin vint avec l’exode rural et le phylloxéra2 à la fin du XlXème siècle. 1914 mit fin aux constructions.

Le provençal « bóri » fut francisé au XVllème siècle en « borie », ferme ou métairie. Ce mot désigne à présent, suite à l'erreur d'un éditeur de cartes postales au début du XXème siècle, l'abri en pierres sèches servant de jas pour quelques moutons, d'écurie pour un mulet ou un âne, de remise à outils, de grange, ou d'habitat saisonnier pour le paysan trop éloigné de chez lui pour rentrer souvent.

Un enclos sur une draille3 incluait parfois une borie, porte vers l'intérieur (ci-dessous à gauche). Le nom imagé « cabanon pointu » persiste dans la région de Forcalquier, Mane et jusqu'à Apt.

Une borie pouvait aussi coiffer l'aiguier4 du berger dont l'eau restait ainsi plus propre, plus fraîche et s'évaporait peu. L'agencement des pierres à mi-hauteur guidait la précieuse pluie ruisselant du toit vers l'intérieur de l'abri afin d'alimenter sa réserve d'eau (Saint-Saturnin-lès-Apt (84), ci-dessus au centre).

LA CONSTRUCTION

L'épierrage5 facilitait l'érection du mur circulaire, parfois carré, épais d'au moins 50 cm. Fenestrons, cheminée, niches, étagères, citerne, etc… pouvaient l'enrichir. Un arc clavé en plein-cintre (délicat à bâtir, à droite), une dalle de pierre (que le gel pouvait fendre, à gauche) ou une poutre imputrescible servait de linteau. Une porte de bois fermait l'entrée étroite et basse.

Un tapis annuel d'argile étanchéifiait le toit encorbellé6 de clapis d'altitude7 (ci-dessous) ou de lauzes8. La longévité résultait du choix d'un sol stable et de cailloux dans les interstices. La hauteur allait de 2 à 7 m, le pourtour de 8 à 45 m. Le poids s'évalue en dizaines de tonnes, les pierres en milliers.

LE VILLAGE DES BORIES DE GORDES

29 édifices en pierre sèche à vocation agricole et saisonnière y sont rassemblés. 14 fonctions ont été recensées sur le site :
5 habitations, 4 étables-bergeries, 4 granges, 2 greniers, 2 fournils et fours, 2 cuves et fouloirs, 4 resserres, 1 chevrière, 3 poulaillers, 2 soues et 3 magnaneries9. 4 constructions sont d'usage inconnu. Il faut ajouter 5 courettes et 2 aires à dépiquer le blé.

L'absence de dispositif récupérant et stockant l'eau étonne. Seul un petit puits, aujourd'hui sec, se trouve à 100 m du site.

Des vaisselles du pays d'Apt des XVlll et XlXème siècles furent mises à jour. Restauré, cet ensemble est classé depuis 1977.

LES TROIS SOLDATS DE GORDES

Ces bâtisses dateraient du Second Empire. Elles surplombent une série de larges terrasses de culture à présent délaissées. La borie centrale devait être un rangement pour l'outillage. Le propriétaire agença les deux autres en pigeonniers, sans doute pour améliorer à peu de frais son ordinaire et… son fumier10. Les intérieurs font 1,90 m de diamètre. Une porte en fermait l'accès orienté au sud. Une pierre sculptée dominait chaque toit.

Les volatiles transitaient par trois buses situées au dessus du linteau des entrées. Ceux-ci dépassaient volontairement afin de bloquer l'escalade des animaux nuisibles friands de leurs œufs, les rats en particulier…

DES ITINÉRAIRES


1 sans liant tels le ciment, le mortier de chaux…    2 maladie de la vigne, insecte vecteur.3 voie de transhumance des ovins.
4 vaste rocher plat en pente douce où ont été creusés une citerne et un réseau de rigoles pour l'alimenter en eau de pluie.
5 tas de pierres constitué de celles gênant le travail des cultivateurs dans leur champ.
6 les pierres sont posées à plat inclinées d'environ 15°, légèrement décalées vers le centre par rapport à celles du dessous.
7 éclats plats de pierres calcaires nés du gel.8 pierres plates utilisées en dalle ou en couverture de toit.
9 local chauffé pour l'élevage du ver à soie.10 la fiente de pigeon fut le meilleur engrais jusqu'au XlXème siècle.