Les puissants s'étaient arrogé en France l'usage exclusif des pigeonniers, notamment pour entraîner à la chasse leurs faucons. La nuit du 4 août 1789¹ ayant élargi ce droit, nombre de ces édifices envahirent les campagnes mais les volatiles furent vite cloîtrés lors des semis afin d'éviter les dégâts. L'essor du maraîchage, ceux de la rave et du rutabaga au XVlllème siècle, enfin les engrais chimiques minèrent l'élevage du pigeon au profit de celui du gros bétail. Le grain rare et cher après la Libération ruina cette activité déjà assez malade…

LE COMMERCE

Un pigeonnier était d'un bon rapport pour son possesseur.

• la fiente fut le meilleur engrais jusqu'au XlXème siècle. Sa valeur était stipulée dans les baux de métayage et parfois… dans la dot de la mariée. Les 3 kg annuels de chaque oiseau étaient battus au fléau pour en élever la pulvérulence, puis laissés se faire diluer par la pluie pour ne pas brûler le sol au moment de l'épandage.
• la viande offrait divers avantages.
  • rendement : un couple pondait 2 œufs tous les 35 jours de mars à septembre, soit 12 oisons annuels.
  • continuité : le pigeon était nourri au grain si le mauvais temps l'empêchait de sortir.
  • conservation : vendu en cage, l'oiseau pouvait se consommer le jour choisi (viande fraîche en mer).
• le cerveau (aphrodisiaque), le sang (contre les ophtalmies douloureuses), le foie (contre l'ictère) et la fiente (arrêt de la chute des cheveux, blocage des règles) entraient marginalement dans la pharmacopée…

L'ARCHITECTURE

Venu par les légions romaines, « L'art de bâtir les pigeonniers » de Pline l'Ancien² inspira ces constructions jusqu'à leur déclin au XlXème siècle.

L'édifice haut et dégagé captait la chaleur du soleil dès l'aurore et aidait le retour au nid des pigeonneaux. L'aire d'envol était à l'abri du Mistral. Le cœur était circulaire quelle qu'était la forme extérieure pour pouvoir ôter les œufs ou les oisons depuis l'échelle tournante centrale. Un point d'eau pour le bain et la boisson jouxtait. L'enfer³ cachait la colombine⁴.

Des buses étroites isolaient des rapaces. Le mur extérieur lisse arrêtait les nuisibles, surtout les rats. Une saillie maçonnée ou/et un bandeau en faïence glissante finalisait la défense des boulins⁵.

Le rez-de-chaussée servait généralement de poulailler, d'écurie, ou de remise, et le premier étage de chambre d'appoint.

Les pigeonniers sont à présent de plus en plus restaurés et réagencés en logis annexes dont la pièce supérieure offre une vue imprenable…

Deux des trois bories⁶ de Gordes appelées « Les sentinelles » servirent partiellement de pigeonniers.

LE PIGEON

DES ITINÉRAIRES

• le « Guiness des records » cite le pigeonnier de 6 000 boulins haut de 23 m, de 12,6 m de diamètre, bâti en 1750 à Brue-Auriac (Var). Il ravitaillait les voiliers au long cours des ports de Marseille et Toulon (en haut).
• 50 pigeonniers ont été recensés par une association sur la commune des Mées.
• Limans et ses proches environs abritent 16 pigeonniers construits entre le XlVème et le XVllème siècle.
• un peu plus loin au sud, la ferme classée d'Ybourgues intègre un pigeonnier (en bas au centre).
• Etc…

  1 Pigeonnier XVlème.
  2 Pigeonnier XVlème. Porte XVème.
  3 Pigeonnier XlVème.
  4 Pigeonnier 1553.
  5 Maison du notaire XVlème.
  6 Linteau XVllème.
  7 Passage couvert XVllème.
  8 Porte XVllème.
  9 Église Saint-Georges, éléments du Vlème.
10 Fontaine ronde XVllème. 2 portes XVlème.
11 Monument aux morts.
12 Vieux lavoir.
13 Tour Xlllème.
14 Quartier de Baire Xlllème/XVllème.
15 Rempart Xlllème.

¹ abolition des privilèges.² écrivain naturaliste romain, auteur de l'encyclopédie monumentale « Histoire naturelle ».
³ porte du pigeonnier.       ⁴ fiente.       ⁵ alvéole de nidification.⁶ abris d'usage varié en pierres sèches, souvent circulaires.