Format PDF NOTRE-DAME DE LURE
 Claude MESNIL   2010
L'ORIGINE

La décision de fonder une abbaye sur le flanc sud du massif de Lure et d'y inclure des domaines lui assurant des revenus fut prise en 1160. Le chantier débuta en 1166 à 1,4 km en aval de la source de Morteiron, à la confluence de 2 combes1 à 1236 m d'altitude2. Sa sobriété fut une réaction des Chalais3 à l'opulence des édifices religieux d'alors. Le peu de peintures murales date du XlXème siècle.

Son cloître de 20 m de côté était délimité par l'église, l'aile des moines (sacristie, salle capitulaire4, salle des moines, dortoir à l'étage), l'aile des convers5 (réfectoire, communs, cuisine, dortoir à l'étage) et un mur où une entrée était percée.

Les activités pastorales, forestières et agricoles, jointes aux dispenses de droit de transit du bétail, de leyde6, de pâturage et de gabelle7 rendaient la confrérie auto-suffisante. Les devoirs liturgiques retenant les moines, elles furent plutôt le fait de convers et d'oblats8 aux sujétions religieuses allégées. Ils rentraient les dimanches et pour les fêtes. Le réseau de granges et d'abbayes de l'ordre facilitait la transhumance des troupeaux.

AVANT LA RÉVOLUTION

Sa vingtaine de moines migrait en hiver dans un cellier près de Saint-Étienne-les-Orgues pour fuir la solitude et la rigueur de la saison (ci-contre).

Sécularisée en 1481, incendiée en 1562 pendant les guerres de religion, l'abbaye était abandonnée à la fin du XVlème siècle.

La montagne de Lure étant l'une des zones les plus orageuses du pays, les masses d'eau pluviale dévalant 500 m de dénivelé par les deux combes aboutissant au site y minèrent peu à peu les bâtiments conventuels et le cloître. La terre et les débris entraînés recouvrirent leurs ruines au fil du temps.

Assez épargnés, l'ermitage et la chapelle furent restaurés en 1636 à la suite d'un miracle dont un berger aurait été témoin. Un frère resta loger sur place pour y recevoir les dévots.

Plus tard, un pèlerinage à la Vierge attira les fidèles de la Haute-Provence après plusieurs récits de guérisons miraculeuses… Le nom de « Notre- Dame de Lure » date de cette époque.

Pour accroître le nombre des visiteurs, le clergé local diffusa une rumeur selon laquelle le lieu abrita jadis Saint-Donat9 et qu'un raid sarrazin rasa au Xème siècle le monastère que ses disciples avaient édifié sur place. Les fouilles réalisées pour vérifier ces bruits se révélèrent vaines.

Deux plaques scellées dans l'église présentent des textes douteux :

St Donat prêtre natif d'Orléans pénétra le premier dans cette solitude vers l'an 490
et après avoir vécu de la vie des Sts, il y reçut la couronne des justes.

St-Mari abbé de Boscodon vint par inspiration divine visiter St-Donat moribon,
l'administre, l'assiste dans ses derniers moments et l'ensevelit.

À PARTIR DE LA RÉVOLUTION

Le patrimoine de l'abbaye devint bien national en 1790. La municipalité de Saint-Étienne-les-Orgues en racheta l'essentiel l'année suivante. Des rites persistèrent en secret sous la Terreur malgré le danger dans une église saccagée et dont le mobilier, les livres et les œuvres d'art avaient été brûlés.

Les pèlerins revinrent quand le Concordat10 rendit les édifices religieux au culte. La Vierge en bois doré, cachée dans la forêt voisine pour la protéger des incertitudes de la période révolutionnaire, retrouva alors sa place dans sa niche d'origine (en bas).

Une cloche fut remise en place en 1817. Des pèlerins plantèrent vingt deux tilleuls en 1824. Ils sont à présent superbes et ombragent une aire de pique-nique très appréciée.

Un clocheton, dont les Pénitents de Reillanne offrirent la cloche, fut ajouté au dessus du pignon de l'entrée principale de l'église en 1879 (ci-dessus en 1890). Le clocheton d'origine a disparu.

AUJOURD'HUI

Deux guerres et l'exode rural tarirent l'essentiel des visites. Un stage d'été de jeunes catholiques grenoblois entama en 1973 la restauration de l'église. Elle fut classée « monument historique » en 1980 tandis que son ermitage était converti en gîte.

La route arrivant de Saint-Étienne-les-Orgues est goudronnée depuis 1937. Deux oratoires, l'un voué à Saint-Joseph, l'autre à Notre-Dame de Lure, sont à gauche de la bifurcation d'où une brève piste stabilisée mène au parking du site.

L'attrait pour les deux pèlerinages locaux s'accroît d'année en année : à l'Assomption (initié le 15 août 1636) et le 8 septembre, fête de la Nativité de Marie.


  1 petite vallée sans cours d'eau permanent.2 ce qui en fit l'abbaye la plus haute des Alpes à cette époque.
  3 ordre implanté dans les zones isolées du Dauphiné et de la Provence à vocation montagnarde, pastorale et forestière.
  4 s'y traitaient les questions matérielles, de discipline, l’admission des novices, la réception des hôtes et le prêche des sermons.
    Les proclamations de l’évêque et du pape y étaient aussi lues.
  5 entré adulte en religion. Souvent illettré, il vaquait principalement aux tâches domestiques.
  6 perçu sur les transactions lors des foires et des marchés.       7 perçu sur le sel.8 laïc baptisé travaillant pour les religieux.
  9 ermite retiré près de Montfort, au pied de la montagne de Lure. Il évangélisa la région et mourut en 535.
10 traité signé en 1813 sous Napoléon 1er entre le Vatican et l'État fixant leurs domaines respectifs.