Format PDF SUR LE CHASTELARD
 Claude MESNIL   2010
LARDIERS

Les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem1 établirent au pied sud de la montagne de Lure vers le milieu du Xllème siècle « l'hospitale de larderüs » : l'hôpital des ladres (des lépreux). Cet établissement fut à l'origine du village actuel et lui légua son toponyme, Lardiers.

Un historien local signala la présence d'un important lieu de culte gallo-romain sur le territoire de cette commune dans son ouvrage daté de 1879. Peu éloigné vers l'ouest, il était perché au sommet de la colline du Chastelard à 991 m d'altitude.

LA PREMIÈRE OCCUPATION DU CHASTELARD

Partiellement bordée de falaises, la partie haute fut d'abord une place stratégique au second âge du fer2. Elle offrait huit hectares assez plats où un oppidum3 fut bâti. Deux, et parfois trois murs épais en pierres sèches4 distants de 10 à 30 m selon le relief, le fortifiaient. Certains blocs excédaient 2,5 m de long…

Ses occupants abandonnèrent le site au début de l'ère chrétienne afin d'aller jouir de la paix romaine dans les vallées. Peu de traces évoquent cette époque, exceptés des murs d'enceintes en relativement bon état.

LA PÉRIODE GALLO-ROMAINE

Les habitations désertées furent rasées pour refondre le lieu. Une voie sacrée calladée5 large de plus de 3 m et longue de 50 m montait un bout de la colline en passant quatre niches cultuelles. Elle aboutissait à un portique mesurant 32 x 5 m. Six salles y étaient adossées, peut-être des écuries. Un sanctuaire carré de 25 m de côté voisinait. Quatre autels et divers bâtiments non identifiés complétaient cet ensemble.

Les enceintes de l'oppidum primitif délimitèrent de fait un périmètre sacré, haut-lieu de pèlerinage païen jusqu’à la fin du lVème siècle. Quelques indices permirent d'identifier des visiteurs venus de Lombardie, d'Espagne et du bassin de la Seine. Ce sanctuaire est un exemple possible de « Culte des sommets ». Il ne semble pas avoir été christianisé.

LE DÉCLIN

Aucune trace de destruction soudaine n'a été décelée (guerre, pillage, incendie, séisme, etc…), ce pèlerinage dut simplement tomber peu à peu dans l'oubli alors que le christianisme s'imposait…

Les versants furent cultivés entre le Moyen-Âge et le conflit de 1914. Le rocher sous-jacent porte des traces de socs d'araires, rançon d'une épaisseur de terre assez fine (de 10 à 30 cm). Des chaufourniers6 établis près du portique et dans le temple brûlèrent nombre de leurs pierres. Des taillis d'épineux et des chênes envahirent la colline à son abandon. Des traces de charbonnières7 sont encore visibles sur les pentes.

LES RECHERCHES

Des érudits locaux firent des fouilles peu rigoureuses au début du XXème siècle. Les murs étaient souvent éboulés, des milliers d'offrandes jonchaient le sol ou étaient peu enfouies : armes brisées, colliers, débris de poteries, miroirs, bracelets, médailles, balances, ex-voto, monnaies ibériques, gauloises et romaines, ainsi que 10 000 anneaux de bronze et des objets supposés être votifs… Un trésor de pièces romaines fut même trouvé en 1909.

Évacuer les petites offrandes fut toujours un souci dans les lieux de pèlerinage très fréquentés : un dépotoir un peu en dehors des enceintes fut mis à jour. Il abritait 16 000 lampes à huile en terre cuite (ci-dessus), 50 000 en englobant celles retrouvées brisées.

Le site fut déterré dans les années 1960, rapidement étudié, puis réenfoui et classé « réserve archéologique » afin que les générations futures de chercheurs analysent en détail son sous-sol à l'intérêt scientifique certain.

L'isolement de la colline, sa facilité d'accès et les détecteurs de métaux facilitant les fouilles sauvages, des trafiquants et des particuliers se sont certainement approprié beaucoup d'antiquités…

LES EXPOSITIONS

L'essentiel des trouvailles enrichit le musée d'Apt, mais le nombre répétitif et conséquent de certains objets a permis d'approvisionner d'autres musées régionaux : Grasse, Vachère, Marseille, Sault, Digne, Gap, Riez, Apt, le Vieil-Istres, Avignon et près de Paris, Saint-Germain-en-Laye.


1 ordre créé à Jérusalem vers 1080. Présent en Terre sainte, à Chypre, à Rhodes, et enfin à Malte avant son expulsion de l'île et
   sa dissolution par Bonaparte en 1798.2 vers 500 avant notre ère dans le midi de la France.
3 village fortifié, généralement installé sur une hauteur.4 sans liant comme le ciment, le mortier de chaux, etc…
5 pavée de pierres plates disposées en chant.6 exploitants de fours à chaux pour approvisionner les maçons.
7 ancienne méthode de cuisson du charbon de bois dans une meule demi-sphérique composée de bûches et recouverte d'argile.